Yukio Mishima: 14.I.1925 – 25.XI.1970

« J’avais toujours trouvé qu’au physique des signes individuels tels qu’un ventre en brioche (signe de relâchement spirituel)  ou une poitrine plate où percent les côtes (signe d’une sensibilité par trop inquiète) étaient d’une laideur extrême, et je ne pus refréner mon étonnement lorsque je découvris qu’il existait des gens à qui plaisaient de tels signes. Pour moi, je ne pouvais y voir que des exemples d’indécence éhontée, comme si leur propriétaire avait exposé à l’extérieur de son corps son sexe spirituel. Ils illustraient un type de narcissisme que je n’ai jamais pu pardonner.

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Pourquoi donc faut-il que les hommes cherchent les profondeurs, l’abîme? Pourquoi faut-il que la pensée, tel un fil à plomb, s’inquiète exclusivement de descente verticale? Pourquoi n’était-il pas possible que la pensée, change d’orientation et se mette à grimper verticalement, vers le haut, vers la surface?

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Le cynisme, qui estime comique tout culte des héros, s’accompagne toujours du sentiment d’une infériorité physique. Invariablement c’est celui qui se croit lui-même dépourvu d’attributs héroïques qui parle du héros avec dérision. J’attends encore l’homme qui, se moquant du culte des héros, possède en sa personne ce qu’on pourrait proprement appeler des attributs héroïques.

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Peut-il être pire défaite que lorsqu’on est corrodé, brûlé de l’intérieur par les sécrétions acides de la sensibilité jusqu’à perdre finalement sa silhouette, jusqu’à se dissoudre, se liquéfier ; ou quand la chose se produit pour la société alentour et que l’on y accommode son propre style?

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Deux voix différentes nous appelle sans cesse. L’une du dedans, l’autre du dehors. Celle qui appelle du dehors, c’est le devoir quotidien. Si la partie de l’esprit qui répond à l’appel du devoir correspondait exactement à la voix du dedans, c’est alors que l’on connaîtrait le bonheur suprême. »

Yukio Mishima / Le Soleil et l’Acier